Q: Vous êtes né dans le Sud-Ouest et avez grandi en étant très proche de la nature. Comment ces souvenirs d'enfance influencent votre cuisine aujourd’hui?
BN: "Mes grands-parents maternels habitaient à Martres-Tolosane, c’était une ferme vraiment faite pour la famille, avec des poules, des canards, et des vignes où mon grand-père faisait son propre vin, qu'il fermentait dans le fond du garage. Mon oncle chassait aussi, ce sont ces souvenirs-là qui marquent, c’est une vraie éducation du goût, enracinée dans le terroir gascon."
Q: Le projet de la Ferme 1544 va dans donc dans cette continuité, cette culture du bon produit, un circuit ultra court...
BN: "Le jour où j’ai visité le groupe, c’est vraiment ce qui m’a décidé. On a commencé par le Gabriel, et c’est évident, le cadre est superbe, il collait parfaitement avec mon envie d’être dans un bâtiment classé, chargé d’histoire, tout en y apportant une touche de modernité tout en respectant l’histoire et le décor. Ensuite, on a visité le château et on est arrivé à la ferme. Là, on voit vraiment l’ampleur du projet, et c’est très intéressant.
Savoir qu’un restaurant a son propre jardin, ça change tout. C’est beaucoup plus simple, on n’a pas à passer des coups de fil, on peut y aller quand on veut. C’est très libre. J’essaye d’y aller toutes les deux semaines, et les équipes y vont aussi. Ça prend du temps, bien sûr, mais à chaque fois, c’est une source d’inspiration. Ça nous aide à réfléchir aux plats et à organiser les cartes en fonction des produits qui arrivent."
Q: Vous avez envisagé une carrière dans le design avant de vous orienter vers la cuisine. Est-ce que cela influence votre approche de la cuisine?
BN: "Je dessine depuis que je suis tout petit. Il y a une forte relation avec le design, notamment dans la création des lieux et l'harmonie des couleurs. Par exemple, la couleur lie-de-vin, qui est très présente. On a par exemple développé cette tasse (NDLR: nous nous somme retrouvé autour d'un café servi dans une tasse sublime avec des motifs floraux), c'est de la faïence fabriquée près de Toulouse, à Martres-Tolosane. C'est de la vaisselle avec laquelle j'ai grandi. Cela amène une âme et de l'histoire à l'endroit"
Q: Vous avez travaillé avec des grands chefs Yannick Alléno, Arnaud Donckele. Quels enseignements avez-vous tiré de ces expériences?
BN: "J'ai connu Yannick Alléno au Meurice, pendant ses dernières années là-bas, je l'ai suivi après, au 1947 à Courchevel. C'est là que je suis rentré dans la maison Cheval Blanc, grâce à lui. Ce qui m'a marqué chez lui, c’est sa façon de réinventer la cuisine moderne, il a travaillé sur les essences, les extractions et les concentrations de sauces. Donc arriver à avoir de la pureté avec très peu d'éléments, c'était un peu ça l'idée. C’est une cuisine ultra épurée, très précise.
Ensuite, quand je suis arrivé à Saint-Tropez, j’ai découvert une autre facette avec Arnaud Donckele. Là, la cuisine était un peu moins cadrée. Il y avait une trame, bien sûr, mais Arnaud disait souvent: 'Il n’y a rien de plus irrégulier qu’une recette.' C’est cette approche qui m’a beaucoup marqué, car la rigueur n'était pas dans les recettes à suivre à la lettre, mais dans la précision du travail. Chaque plat était terminé dans les derniers instants, avec une attention particulière à chaque détail. C'était une cuisine riche, particulièrement influencée par la mer et l’été, avec des sauces très complexes, parfois avec jusqu'à quinze éléments à l'intérieur. Une approche totalement différente mais tout aussi exigeante."