Rencontre avec Bertrand Noeureuil, chef exécutif du Gabriel à Bordeaux

jeudi 12 décembre 2024 12:12

Nous avons eu le plaisir de rencontrer Bertrand Noeureuil, chef exécutif du restaurant Le Gabriel à Bordeaux, un établissement étoilé où il dévoile toute l'étendue de son talent. Né à Toulouse, dans une ferme familiale à Martres-Tolosane, c’est au cœur de la nature qu’il a grandi, entre récoltes de fruits et légumes et vendanges, des souvenirs d’enfance qui nourrissent aujourd’hui sa cuisine.

D'abord attiré par le design, il s’est finalement laissé guider par une passion grandissante pour la cuisine et a fait ses premières armes aux côtés de chefs de renom, comme Daniel Gonzalez, Yannick Alléno et Arnaud Donckele. Après un parcours impressionnant au sein de grandes maisons, Bertrand revient aujourd’hui dans sa région natale pour signer une cuisine de saison, en harmonie avec le terroir aquitain.

Inventif et créatif, nous avons eu la chance de partager un moment avec ce chef accompli qui, après 15 ans de cuisine, écrit désormais sa propre partition gastronomique au sein de l'Observatoire, sa tablé étoilée alliant tradition et modernité dans un écrin lumineux et raffiné, avec une vue imprenable sur la Garonne.


"Savoir qu’un restaurant a son propre jardin, ça change tout..."


Q: Vous êtes né dans le Sud-Ouest et avez grandi en étant très proche de la nature. Comment ces souvenirs d'enfance influencent votre cuisine aujourd’hui?

BN: "Mes grands-parents maternels habitaient à Martres-Tolosane, c’était une ferme vraiment faite pour la famille, avec des poules, des canards, et des vignes où mon grand-père faisait son propre vin, qu'il fermentait dans le fond du garage. Mon oncle chassait aussi, ce sont ces souvenirs-là qui marquent, c’est une vraie éducation du goût, enracinée dans le terroir gascon."

Q: Le projet de la Ferme 1544 va dans donc dans cette continuité, cette culture du bon produit, un circuit ultra court...

BN: "Le jour où j’ai visité le groupe, c’est vraiment ce qui m’a décidé. On a commencé par le Gabriel, et c’est évident, le cadre est superbe, il collait parfaitement avec mon envie d’être dans un bâtiment classé, chargé d’histoire, tout en y apportant une touche de modernité tout en respectant l’histoire et le décor. Ensuite, on a visité le château et on est arrivé à la ferme. Là, on voit vraiment l’ampleur du projet, et c’est très intéressant.

Savoir qu’un restaurant a son propre jardin, ça change tout. C’est beaucoup plus simple, on n’a pas à passer des coups de fil, on peut y aller quand on veut. C’est très libre. J’essaye d’y aller toutes les deux semaines, et les équipes y vont aussi. Ça prend du temps, bien sûr, mais à chaque fois, c’est une source d’inspiration. Ça nous aide à réfléchir aux plats et à organiser les cartes en fonction des produits qui arrivent."

Q: Vous avez envisagé une carrière dans le design avant de vous orienter vers la cuisine. Est-ce que cela influence votre approche de la cuisine?

BN: "Je dessine depuis que je suis tout petit. Il y a une forte relation avec le design, notamment dans la création des lieux et l'harmonie des couleurs. Par exemple, la couleur lie-de-vin, qui est très présente. On a par exemple développé cette tasse (NDLR: nous nous somme retrouvé autour d'un café servi dans une tasse sublime avec des motifs floraux), c'est de la faïence fabriquée près de Toulouse, à Martres-Tolosane. C'est de la vaisselle avec laquelle j'ai grandi. Cela amène une âme et de l'histoire à l'endroit"

Q: Vous avez travaillé avec des grands chefs Yannick Alléno, Arnaud Donckele. Quels enseignements avez-vous tiré de ces expériences?

BN: "J'ai connu Yannick Alléno au Meurice, pendant ses dernières années là-bas, je l'ai suivi après, au 1947 à Courchevel. C'est là que je suis rentré dans la maison Cheval Blanc, grâce à lui. Ce qui m'a marqué chez lui, c’est sa façon de réinventer la cuisine moderne, il a travaillé sur les essences, les extractions et les concentrations de sauces. Donc arriver à avoir de la pureté avec très peu d'éléments, c'était un peu ça l'idée. C’est une cuisine ultra épurée, très précise.

Ensuite, quand je suis arrivé à Saint-Tropez, j’ai découvert une autre facette avec Arnaud Donckele. Là, la cuisine était un peu moins cadrée. Il y avait une trame, bien sûr, mais Arnaud disait souvent: 'Il n’y a rien de plus irrégulier qu’une recette.' C’est cette approche qui m’a beaucoup marqué, car la rigueur n'était pas dans les recettes à suivre à la lettre, mais dans la précision du travail. Chaque plat était terminé dans les derniers instants, avec une attention particulière à chaque détail. C'était une cuisine riche, particulièrement influencée par la mer et l’été, avec des sauces très complexes, parfois avec jusqu'à quinze éléments à l'intérieur. Une approche totalement différente mais tout aussi exigeante."


"Dès le début, les cuisiniers m’ont fait confiance..."


Q: Quelle est votre saison préférée pour cuisiner?

BN: "Quand je me suis installé ici, j’ai voulu cultiver cette différence de terroir, mais il y a quelque chose que j’ai appris tout au long de mon parcours: l’importance des saisons. Ce qui m'intéresse particulièrement, ce sont les transitions entre les saisons, et c’est là où il y a le plus de changement.

L’automne et le printemps sont mes saisons préférées. L’automne, parce qu'on commence à changer de style de cuisine, de techniques de cuisson. C’est le moment où l’on en a un peu marre des tomates, mais on peut encore se permettre d’en utiliser avec des produits d'automne. Le printemps, lui, est le début d’une nouvelle énergie: on en a marre des légumes d'hiver, mais on peut encore se permettre quelques accords intéressants, comme une petite truffe avec une asperge. Ce sont des moments clés où certains produits se rencontrent pendant deux ou trois semaines, c’est aussi un moyen d’avoir une cuisine plus dynamique et plus vivante."

Q: Vous avez été récemment été élu grande demain par Gault et Millau. Comment ressentez-vous cette reconnaissance?

BN: "C’est un excellent résultat après seulement cinq mois d’ouverture. C’est une belle reconnaissance, quelque chose qu'on garde en mémoire. Et puis, au-delà de cette distinction, on a eu la chance de conserver notre étoile Michelin cette année, alors qu’on n’était ouverts que depuis deux mois. Cela représente un travail intense, une évolution rapide, et bien sûr, c’était une belle récompense".

Q: Quelles ont été vos priorités pour conserver cette étoile?

BN: "Etre moi-même. Il n’y a pas eu de pression excessive. Dès le début, les cuisiniers m’ont fait confiance, surtout ceux qui travaillaient déjà avec l’ancien chef. Ils ont su prendre les choses en main, et sans eux, rien n’aurait été possible. J'ai eu vraiment toute mon équipe derrière moi dès le début, on peut vouloir faire plein de choses, s'il n'y a pas l'équipe, il n'y a rien."

Q: Et une dernière question: Un rêve ou un projet que vous souhaiteriez réaliser un jour?

BN: "Pour moi, déjà, être ici, c’est un projet en soi. Mais au-delà de ça, c'est d’ancrer véritablement le bistrot dans une cuisine qui mélange à la fois l’esprit gastronomique et la cuisine régionale. C'est à dire de marquer un peu l'empreinte du terroir ici, à travers des recettes simples. Un peu comme le cœur coulant au chocolat, qui est devenu populaire tout en étant à la base un plat de trois étoiles. Ancrer la gastronomie dans le populaire. Forcément, avec un plat régional, ce serait ça c'est la plus belle des récompenses."


Pour déguster la cuisine créative du chef Noeureuil :

Rendez-vous au Gabriel!

https://le-gabriel-bordeaux.fr/fr/

Pour déguster la cuisine créative du chef Noeureuil :

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AdèleAdèle
Responsable éditoriale qui a seulement hâte de l'hiver pour manger des raclettes!